Transformation digitale, vers quel futur du travail et des RH ?

Le monde autour de nous change, il change même très vite. Les choses se sont accélérées dans les 20 dernières années, en grande partie avec l’avènement de nouvelles technologies, toutes celles qui constituent le socle de ce qu’on appelle aujourd’hui la transformation digitale. Qu’il s’agisse tout d’abord d’internet et des capacités qu’il donne à tout individu de communiquer partout et tout le temps avec n’importe qui à l’autre bout du monde, ou encore des terminaux mobiles tablettes, smartphones et autres notebooks, du cloud, du big data et de l’intelligence artificielle ou encore des objets connectés, et plus récemment de la blockchain. L’homme n’aura jamais vu autant d’innovations technologiques émergées dans les deux dernières décennies que dans toute l’histoire de l’humanité réunie. Et ces innovations ont un impact immédiat sur la manière dont nous abordons notre vie professionnelle, la relation que nous avons avec notre employeur et ses représentants les plus emblématiques que sont les ressources humaines.

Quelques grandes tendances sur le futur du travail

Nous vivons tous dans un monde globalisé, les produits ou services que nous achetons sont tous, à quelques exceptions près, conçus et fabriqués partout sur la planète. La moindre petite entreprise doit penser « worldwide », même les entreprises les plus franco-françaises n’ont plus vraiment le choix, elles doivent entrer en compétition avec des concurrentes du monde entier. Le marché du travail est donc tout naturellement en train de devenir global. Recruter un talent à l’étranger n’a jamais été aussi simple, les réseaux sociaux, LinkedIn en tête d’affiche, sont de formidables outils pour chasser les employés d’une entreprise, le terrain de jeu s’est considérablement élargit. Tout comme leur entreprise, les salariés disposent eux aussi d’opportunités professionnelles à l’international sur un marché du travail localement morose, les talents ne sont plus qu’à un clic de leur futur employeur à l’étranger.

Par ailleurs, les comportements en entreprise ont largement évolué, l’époque où le contrôle de l’information était une source de pouvoir est révolue. Les modes de travail sont maintenant collaboratifs, d’ailleurs on ne parle plus d’un salarié mais d’un collaborateur, ce changement sémantique lui-même est symptomatique d’un changement de paradigme. Cette transformation des modes de travail est une tendance forte du technicien au cadre dirigeant, la collaboration devient nécessaire pour aligner les différentes parties-prenantes et les faire adhérer aux résultats produits par le groupe. Qu’il s’agisse d’un comité de direction ou d’une équipe opérationnelle, tout le monde est concerné par le collaboratif. Cette nouvelle approche des relations entre collègues et avec le management est par ailleurs un catalyseur de l’innovation dans l’entreprise.

Avec l’avènement des terminaux mobiles et du cloud, travailler en mobilité n’aura jamais été aussi facile. Le télétravail, est de fait une tendance importante pour toutes les entreprises, et une tendance largement plébiscitée par les collaborateurs. Ce mode de fonctionnement, très répandu dans le monde du conseil dans lequel les salariés sont en permanence à naviguer entre différents clients, devient un élément important de motivation et de bien-être au travail dans les entreprises plus traditionnelles. Pouvoir travailler de n’importe où, et même n’importe quand, au rythme qui convient le mieux finalement au collaborateur, dans la limite de ses obligations professionnelles, donne de nouveaux espaces de liberté et de créativité.

L’automatisation est certainement la tendance la plus anxiogène pour la plupart des salariés. Entre le perfectionnement de l’intelligence artificielle, l’émergence de nouvelles formes de robotique, avec les drones par exemple, les tâches à faible valeur ajoutée sont vouées à tout doucement être remplacées par un algorithme ou un robot. Les chiffres sont régulièrement remis en cause, les études se bousculent mais la tendance est bien présente et va avoir un impact fort sur tous les secteurs d’activités. La vraie question avec l’automatisation n’est pas de savoir si des corps de métier sont voués à disparaître, la réponse est évidente, mais plus de savoir comment réallouer cette capacité de travail des métiers qui vont être automatisés vers de nouvelles activités à plus forte valeur ajoutée.

Le travail salarié tel que nous le connaissons actuellement est en train de muter. Le CDI est un standard en voie de disparition, d’ailleurs si vous en doutiez encore, il s’agit d’une spécificité du droit du travail français, on ne retrouve aucun autre équivalent dans le reste du monde. En revanche, le travail indépendant se développe fortement depuis quelques années, en France il y a environ un tiers de travailleurs indépendants pour deux tiers en salariat traditionnel (CDI, CDD ou intérim). Cette nouvelle forme de travail attire les professionnels en demande de plus de liberté, en particulier dans la manière dont ils organisent leur temps de travail dans la journée et dans la semaine, il permet en particulier de pouvoir allouer du temps à des projets personnels, et de choisir aussi les entreprises / clients pour lesquels l’indépendant a envie de travailler.

Les technologies évoluent très rapidement, certaines ont déjà été citées, d’autres comme la blockchain pourraient complètement faire disparaître les intermédiaires et les tiers de confiance comme les banques, les avocats ou les courtiers. Et il n’y a pas plus intermédiaire que l’entreprise elle-même. De ce point de vue, nous n’en sommes qu’au début et les perspectives peuvent laisser penser que la blockchain cumuler avec l’ensemble des tendances précédentes pourrait permettre l’émergence de toutes nouvelles organisation décentralisées, non plus gouvernées par un comité de direction omnipotent tel que nous les connaissons actuellement, mais plutôt par des individus élus démocratiquement par l’ensemble des professionnels participants à l’organisation et capables de destituer aussi rapidement qu’ils les ont élus les gouvernants qui définiront la stratégie de l’organisation et qui devront la dérouler. Il y a encore bien d’autres technologies à venir qui risquent de bouleverser le monde du travail tel que nous le connaissons, en prendre conscience et anticiper les impacts devient donc crucial.

Rien ne sert d’avoir peur, il faut savoir se remettre en cause

Le plus difficile avec le changement c’est qu’il est le plus souvent source de stress et d’anxiété, pourtant il est nécessaire voire impossible à éviter, comme le dit le vieil adage « on n’arrête pas le progrès ». Ces grandes tendances qui impactent le monde du travail tel que nous le connaissons aujourd’hui sont toutes synonyme de rupture, alors imaginez ce qu’elles peuvent représentez lorsqu’elles se concrétisent toutes ensemble. Vous l’aurez donc compris, tenter de lutter contre ces transformations en cours serait contre-productif, en revanche vous devrez nécessairement composer avec les résistances qui vont s’y associer.

N’y a-t-il donc rien à faire pour gérer au mieux ce changement ? Les RH détiennent une bonne partie de la réponse. Cette fonction dite « support » de l’entreprise qui tente depuis quelques années de devenir un véritable « business partner » de la direction générale, va encore devoir prendre une nouvelle casquette, celle d’accompagnatrice du changement. On ne lui demande pas de devenir coach des collaborateurs, quoi que, ou de piloter elle-même la transformation, quoi que, mais d’être totalement partie-prenante et force de proposition pour accompagner les collaborateurs dans ces nouvelles situations de travail. Et cela passe par quatre grands niveaux d’accompagnement des collaborateurs.

1. La formation

Les RH doivent absolument adapter les plans de formations des équipes et des managers pour leurs permettre de suivre le rythme et les armer le mieux possible pour accueillir le changement. Il s’agit évidemment de formation pratico-pratiques en particulier sur la technologie et sur le numérique, mais aussi sur les outils du quotidien, la suite office en particulier qui n’est toujours pas maitrisée en entreprise, il s’agit du B-A-BA. Mais aussi de formations qui relèvent plus du développement personnel sur les postures dans l’environnement de travail en particulier dès lors qu’il s’agit de nouvelles approches collaboratives ou même plus simplement d’apprendre à apprendre. Et puis les formations sur les nouveaux métiers qui vont devenir nécessaires à courts ou moyens termes, en particulier sur les métiers liés à la donnée et à l’intelligence artificielle.

2. Le coaching individuel et collectif

Individuel pour personnaliser l’accompagnement pour les employés les plus réticents ou ceux qui sont en plus grande difficulté. Mais aussi du coaching collectif pour les équipes et leur appropriation des nouvelles méthodes de travail, on parlera ici forcément d’agilité et de collaboratif. Ce coaching n’est pas un accompagnement temporaire, il doit se faire dans la durée, il nécessite généralement la création d’un nouveau job dans l’entreprise, celui de coach. Vous commencerez le plus souvent par vous faire aider de sociétés spécialisées et petit à petit vous vous approprierez ces compétences en interne et vous vous formerez et coacherez des salariés pour qu’ils puissent prendre le relais et continuer le travail d’accompagnement du changement en ayant moins besoin de faire appel à une aide externe. Le coaching se fait sur le long terme, ce n’est pas parce Usain Bolt a gagné une première médaille d’or aux JO qu’il a arrêté de se faire coacher. Dans l’entreprise c’est la même chose, ce n’est pas parce qu’on a des résultats probants qu’il n’y a plus besoin de coacher.

3. Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences

Cela peut sembler bateau mais de nombreuses sociétés, et donc de nombreuses RH sont encore incapables de quantifier et qualifier clairement les compétences dont elles disposent, le niveau d’employabilité de leurs ressources, et le gap qui les sépare d’une cible nécessaire à termes pour être totalement opérationnelles dans ce nouveau monde du travail qui se dessine. Ce travail fastidieux est un incontournable d’une RH pro active et accompagnatrice du changement, il permettra de définir une roadmap précise de la transformation à réaliser.

4. Le recrutement

La fonction RH doit savoir s’adapter au monde d’aujourd’hui et sortir en particulier de ses grilles traditionnelles, qu’elles soient liées au secteur ou à la convention collective, il faut marketer les fiches de poste et leurs descriptifs pour attirer les bons talents capables d’embrasser les nouvelles ambitions de l’entreprise qui recrute, et pour fidéliser les salariés en place et leur donner des perspectives intéressantes en termes de mobilité et de progression. Prenons le monde de l’informatique on trouve encore le libellé « ingénieur d’étude » qui n’a plus de sens aujourd’hui, on parlera plus de « développeur front-end ou back-end » de « développeur mobile », de « datascientist » ou encore de « développeur full stack ».

Nous l’avons vu, le futur du travail est amené à évoluer et à se transformer fortement, ainsi de grandes tendances de fond sont en train de se matérialiser comme la mobilité, la globalisation, la technologie ou même l’automatisation des tâches. Tous ces bouleversements peuvent faire peur, en particulier aux collaborateurs et aux managers qui peuvent craindre de voir leur emploi disparaître ou les changements impactants leur métier les rendre inemployables. Dans ce cadre, les RH ont un rôle de premier plan à jouer, celui d’accompagnatrice du changement par la formation, le coaching, la GPEC et le recrutement. Si les RH ne prennent pas ce rôle, elles risquent de se voir elles-mêmes disparaître ou désintermédier par d’autres fonctions internes ou par des entités externes à l’entreprise.

Sébastien Bourguignon

Expert du numérique et de la blockchain, il est Principal et Lead Digital Influencer au sein du cabinet Margoconseil où il accompagne ses clients dans leur transformation digitale. Il a aussi fondé la société Chain Guru qui accompagne les projets d’entreprises qui souhaitent lever des fonds en cryptomonnaies au travers d’une opération d’ICO (Initial Coin Offering).

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