Grâce à une combinaison d’avancées en matériel et logiciel, une nouvelle génération de robots polyvalents, simples d’utilisation et collaboratifs entraîne une vague de transformation dans de nombreuses industries. Focus sur les « cobots » !
C’est à l’année 1962 que remonte la création de la toute première entreprise de robotique au monde. Baptisée Unimation, fondée par les ingénieurs Georges Devol et Joseph Engelberger, elle construit des bras robots géants pour des applications industrielles, et ne tarde pas à séduire de nombreux constructeurs automobiles. Jusqu’à une date très récente, la robotique est restée très proche des standards instaurés par Unimation : des robots de grande taille, dotés d’une force impressionnante, mais peu maniables, très lourds à programmer et conçus pour des activités industrielles. Ces robots sont en outre spécialisés dans une tâche bien précise et n’interagissent pas avec les humains. Mais les choses sont en train d’évoluer. Une nouvelle vague de robots, plus petits, moins chers, plus agiles et plus polyvalents, est en train de transformer le marché de la robotique.
Contrairement à leurs prédécesseurs, ceux-ci sont, en outre, conçus pour travailler de concert avec les humains. On les qualifie ainsi de robots collaboratifs, ou « cobots ». Car en dépit des nombreux propos alarmistes sur le remplacement annoncé de l’homme par la machine, plusieurs études montrent que c’est lorsque ces deux mondes se rencontrent qu’ils sont les plus efficaces. Dans leur livre « Human + Machine, Reimagining work in the age of AI », paru cet été aux États-Unis, les auteurs Paul R. Daugherty et H. James Wilson affirment ainsi que faire collaborer homme et machine sur un activité permet d’obtenir une efficacité entre deux à six fois plus grande que si l’on se cantonne à n’utiliser que des humains ou que des machines. Le constructeur automobile BMW a quant à lui constaté que les équipes mêlant humains et robots donnaient une efficacité accrue de 85% par rapport à la chaîne de montage à l’ancienne, avec les machines travaillant d’un côté et les humains de l’autre.
Des robots plus versatiles
Si ces robots collaborent plus facilement avec les humains, c’est d’abord parce qu’ils sont bien moins difficiles à programmer que leurs homologues traditionnels. Grâce aux progrès de l’intelligence artificielle, les « cobots » sont ainsi capables d’apprendre avec l’expérience, comme le ferait un humain, si bien qu’il n’est pas nécessaire d’avoir des compétences poussées en programmation pour leur faire effectuer une tâche. Le roboticien japonais Fanuc a ainsi conçu un robot capable d’apprendre tout seul à l’aide de l’apprentissage renforcé, une branche de l’intelligence artificielle. Les robots de Rethink Robotics et Universal Robots peuvent quant à eux apprendre à maîtriser une tâche en voyant des travailleurs à l’ouvrage.
Ces robots nouvelle génération sont également dotés d’une plus grande dextérité, permise par une combinaison entre les avancées de l’intelligence artificielle et la miniaturisation de l’informatique. Ainsi, les progrès de la vision par ordinateur et de l’apprentissage machine, combinés à de nouvelles générations de mains articulées et de capteurs plus sensibles, leur permettent d’identifier plus facilement des objets, de s’en saisir et de les manipuler avec précision sans les abîmer. Les robots de la startup Kindred sont ainsi conçus pour aider les humains à trier les objets dans les entrepôts, en particulier dans une optique commerce en ligne.
Enfin, ces robots sont également capables de se mouvoir de manière autonome dans des environnements changeants et imprévisibles. C’est le cas des robots-transpalettes de Fetch Robotics, conçus pour déplacer des charges lourdes dans les entrepôts. L’entreprise travaille en partenariat avec le géant de la livraison DHL. Le travailleur humain n’a qu’à poser sur le robot l’objet qui doit être déplacé, après quoi celui-ci se charge de l’amener à bon port en négociant les obstacles.
Innovation en matériel et logiciel se combinent ainsi pour donner naissance à des robots qui apprennent plus facilement, bénéficient d’une plus grande dextérité et peuvent se mouvoir sans assistance. Ces trois caractéristiques les rendent beaucoup plus polyvalents. Contrairement aux robots traditionnellement employés dans l’industrie, ils peuvent effectuer un certain nombre de tâches différentes, sans qu’il soit nécessaire d’effectuer de lourdes activités de reprogrammation. Praxis Packaging, spécialisée dans l’emballage de produits, emploie ainsi les robots Sawyer et Baxter, de l’entreprise Rethink Robotics, pour effectuer différents types de tâches en fonction de la demande de sa clientèle.
Vers l’industrie et au-delà
Cette nouvelle génération de robots ne constitue pour l’heure qu’une petite fraction du marché de la robotique, encore largement dominé par les machines traditionnelles. Mais les choses pourraient rapidement évoluer. Ainsi, selon une étude du cabinet de conseil Deloitte, ils pourraient représenter 66% des ventes de robots d’ici 2025, contre 22% en 2015. Selon MarketsandMarkets, le marché des robots collaboratifs pourrait valoir plus de 4 milliards de dollars d’ici 2023. L’entreprise de prospective CB Insights prévoit quant à elle que le marché dépassera les dix milliards de dollars au cours de la décennie à venir.
Ces robots sont principalement employés dans l’industrie et les entrepôts pour des activités de manutention, de tri, d’emballage ou d’inspection qualité. Veo Robotics et Carbon Robotics commercialisent ainsi des bras robotiques intelligents, conçus pour être facilement opérables par des travailleurs humains. Comme le montre l’exemple de Fetch Robotics, cité plus haut, les pistes sont particulièrement fertiles autour du commerce en ligne, où la collaboration entre humains et machines permet d’importants gains de productivité dans les entrepôts. Le géant du secteur, Amazon, l’a bien compris. L’entreprise de Jeff Bezos a récemment déposé un brevet pour un bras robotique capable de manipuler des objets à la fois lourds et solides, ou au contraire légers et fragiles. Amazon a également racheté Kiva Systems, depuis renommée Amazon Robotics, dont les robots sont faits pour déplacer les charges lourdes. Ils ont d’ores et déjà permis à l’entreprise de réaliser de sérieux gains de productivité.
Mais les usages des cobots vont bien au-delà. Le secteur de l’hôtellerie haut de gamme pourrait ainsi être l’un des premiers à bénéficier de l’avènement de ces machines collaboratives. Le robot Relay, conçu par l’entreprise californienne Savioke, est capable de s’assurer du service de chambre, en suivant les instructions données par le personnel de l’hôtel. L’entreprise américaine Maidbot commercialise de son côté un robot aspirateur autonomes, baptisé Rosie et spécialement conçu pour l’industrie hôtelière. L’objectif : permettre au personnel de l’hôtel de consacrer moins de temps aux activités de nettoyage et davantage au service client.
« Le robot est très simple d’utilisation et une notification sonore permet d’indiquer quand le robot démarre ou s’arrête. Cela permet au personnel de chambre de suivre sa progression et de travailler en tandem avec lui. Nous avons également ajouté une couche technologique supplémentaire pour faire de chaque robot une plateforme de données mobiles. Lorsque le robot fait le ménage, il collecte du même coup des données sur l’environnement et les détails opérationnels. Plusieurs hôtels s’en sont ainsi déjà servi pour améliorer l’efficacité de leur service de nettoyage. » Micah Green – CEO Maidbot
La restauration est un autre secteur qui bénéficie grandement de l’arrivée des cobots. Depuis San Francisco, Zume Pizza utilise plusieurs robots chargés d’assister les pizzaiolos dans les activités répétitives (appliquer la sauce tomate sur la pâte) ou dangereuses (sortir la pizza du four). Creator emploie un robot capable de préparer des burgers en un temps record, qui sont ensuite livrés par les employés de l’entreprise. La chaîne de burger californienne CaliBurger a également recours aux services d’un robot conçu par Miso Robotics pour retourner les steaks durant la cuisson. La grande distribution est également avide de robots collaboratifs. Le géant Walmart a ainsi commencé à expérimenter l’usage de machines susceptibles d’assister le personnel en magasin dans les activités d’inventaire et de rayonnage, pour leur permettre de passer davantage de temps à conseiller les clients ou à répondre à des demandes spécifiques.
Enfin, le secteur bancaire expérimente lui aussi l’usage de robots collaboratifs, notamment pour répondre aux questions les plus basiques de la part des clients et passer la main à un opérateur humain si les choses deviennent trop complexes. En juillet 2015, la banque japonaise Mizuho Bank a ainsi installé le robot Pepper dans plusieurs de ses agences afin d’orienter les clients. En avril 2017, elle a été imitée par la banque canadienne ATB Financial. Plusieurs banques indiennes étudient également le déploiement de robots pour compter et trier la monnaie.