Julie va-t-elle recevoir un cadeau de la part d’un Valentin ou d’une Valentine aujourd’hui ?
Pour Hollywood, la réponse est clairement oui et cela fait déjà un moment que ce scénario inspire le monde du cinéma : en 1927, Fritz Lang, imaginait une romance entre le personnage principal de Metropolis et le robot Maria ! Plus récemment, le sujet a été repris dans les films HER (2013) ou encore Ex-Machina (2015).
De la fiction à la réalité, il n’y a qu’un pas ?
L’anthropomorphisme, prochain cupidon ?
S’attacher à un robot n’a rien de surprenant. Les humains ont la capacité d’attribuer à des objets ou agents non-humains des caractéristiques humaines, telles qu’avoir une conscience, des intentions ou encore ressentir des émotions. C’est ce qu’on appelle l’anthropomorphisme.
Quelques exemples très simples :
- S’attacher à un jouet : petite j’avais un poupon qui s’appelait Christophe et je n’hésitais pas à le punir lorsqu’il avait fait une bêtise, comme si c’était un vrai petit garçon.
- Se mettre en colère contre une table sur laquelle on vient de se cogner ou contre un ordinateur qui rame !
- Donner un petit nom à sa voiture, sa titine, et l’encourager à démarrer quand il fait froid.
- Nommer la planète “Dame Nature” pour inciter les gens à la protéger.
- …
Notre tendance à l’anthropomorphisme s’explique par trois critères principaux, détaillés dans l’étude Social Cognition Unbound : Insights Into Antroporphism and Dehumanization, de la Faculté de Chicago.
1. Une règle d’inférence
Dans une vidéo de Boston Dynamics, on peut voir leur robot “Spot” se fait frapper par des humains. Des internautes ont été émus et choqués par le comportement de ces personnes envers le robots et certains s’interrogent sur la raison de leur émotion.
https://www.youtube.com/watch?v=M8YjvHYbZ9w?ecver=1&w=560&h=315
Lorsqu’un agent ou objet nous fait penser à un humain, le prisme anthropomorphique s’applique naturellement : c’est un processus cognitif ; cela nous permet de catégoriser cet objet et de l’associer à quelque chose que nous connaissons.
Intuitivement, nous attribuons des caractéristiques humaines à des robots qui ressemblent à des humains, que ce soit physiquement ou dans leur comportement. D’où la naissance d’émotions lorsque l’on voit ce robot se faire maltraiter.
2. La recherche de connexions sociales
Theodore Twombly, le personnage principal du film HER, est décrit comme un homme sensible au caractère complexe, qui est inconsolable depuis sa séparation avec sa femme.
L’étude montre que les personnes solitaires et déçues de leurs expériences avec des humains ont plus tendance à aller chercher des relations “ailleurs”, avec des agents ou objets non humains.
Theodore Twombly trouve dans Samantha, le programme informatique qu’il achète, ce qu’il n’a pas trouvé chez les humains. Dans un contexte moins futuriste, c’est aussi le sujet du film, Une Fiancée Pas Comme Les Autres, où le personnage principal, un éternel solitaire, s’attache à une poupée gonflable. Et si on sort de la fiction, une française affirme aujourd’hui s’être tournée vers les robots car elle est déçue des hommes.
3. Le besoin de contrôler
La troisième motivation de l’anthropomorphisme est le besoin qu’ont les humains de maîtriser ce qui se passe. L’incertain et l’imprévisible nous font peur, d’où le besoin de se rattacher à des concepts familiers pour rendre plus compréhensible ce qui ne l’est pas.
L’étude prend l’exemple de l’attribution de nom aux tempêtes : cela simplifie la communication autour de ces événements. On comprend mieux ce que l’on connaît.
Si on revient à la question qui nous intéresse, les recherches en matière d’anthropomorphisme nous prouvent que oui, nous pouvons tomber amoureux d’une Intelligence Artificielle, tout comme aujourd’hui, nous tombons amoureux d’objets ou agents non humains.
En revanche, la réciproque est-elle vraie ?
L’amour, plus qu’une affaire d’hormones.
Certains vous diront que non, nous ne pouvons pas tomber amoureux d’un robot car il n’y a pas de compatibilité génétique entre les robots et les humains. Lorsque nous tombons amoureux, des stimuli sensoriels, principalement odeurs et phéromones, traversent le cerveau, ravivent des souvenirs et déclenchent une cascade de réactions hormonales. L’objectif de tout cela serait de valider la compatibilité de deux êtres dans le but d’assurer la survie de l’espèce.
Mais le coeur a ses raisons que la raison ignore ! Combien de personnes aujourd’hui tombent amoureuses via des sites de rencontres ? Il est pourtant difficile de sentir les odeurs corporelles de l’autre via Internet, même avec une bonne connexion 4G !
C’est là qu’intervient un autre élément clé dans le processus amoureux : la conversation ! L’interaction avec les personnes, leur répartie, leurs connaissances jouent un rôle essentiel dans l’apparition du sentiment amoureux. On ne tombe pas amoureux d’un physique mais d’une personnalité. Le personnage de HER tombe amoureux de son IA car il est émerveillé par son intelligence, sa répartie, sa capacité à apprendre etc.
Si l’attachement des humains aux agents non-humains est une chose commune, comme nous l’avons vu précédemment, cela risque d’augmenter avec les Intelligences Artificielles, qui peuvent échanger avec nous et avoir leur propre personnalité. Daniel Lévy, auteur du livre Love+Sex With Robots prédit ainsi que d’ici 2050 de nombreux mariages entre les humains et les robots seront célébrés !
Pourtant, Serge Tisseron, Psychiatre, auteur du livre “Le jour où mon robot m’aimera” rappelle que, malgré les signes d’attachement du robot, la relation sera toujours à sens unique.
Une relation à sens unique
Bien que les robots, au travers de leurs échanges avec les humains, puisse laisser apparaître des sentiments, beaucoup affirment que nous ne pouvons pas parler d’amour car les sentiments exprimés ne sont pas réels.
Les recherches sur l’analyse et la compréhension des émotions humaines permettent aux robots de détecter des signaux difficiles à percevoir pour les humains. Le robot Ellie, est ainsi capable de détecter des variations dans les intonations des patients pour identifier des signes de dépression.
Plus les robots seront capables d’analyser et comprendre nos comportements, plus ils pourront répondre à nos attentes, ce qui augmente inévitablement notre empathie envers eux, voire notre amour. Mais rien n’est spontané dans leur comportement. Alors peut-on vraiment parler d’amour ?
Pour Daniel Ichbiah, auteur de “Robots, genèse d’un peuple artificiel”, les IA sont programmées pour suivre un comportement précis. Elles ne ressentent rien, elles simulent des sentiments. Dans Ex-Machina, par exemple, l’IA simule des sentiments amoureux dans le seul but de réussir à sortir de la maison où elle est enfermée. Elle abandonne d’ailleurs son “amant”. Programmée pour survivre, l’IA cherche tous les moyens d’atteindre son objectif.
C’est également l’avis de Laurence Devillers, Professeure à l’université Paris-Sorbonne et chercheuse au Laboratoire d’informatique pour la mécanique et les sciences de l’ingénieur du CNRS :
“Les roboticiens cherchent à produire des robots avec lesquels une personne aura de l’empathie. Pour eux, les machines simulent, ce sont juste des coquilles vides qui n’ont pas d’intériorité, pas d’émotions. Ce sont les utilisateurs de ces machines qui vont interpréter leur comportement à travers un prisme anthropomorphique, leur prêter une humanité qu’elles ne possèdent pas. Les utilisateurs vont projeter leurs émotions sur ces machines.”
>> [A lire] L’interview de Laurence Devillers : “L’empathie des robots” <<
L’intelligence émotionnelle joue un rôle clé dans le processus amoureux mais aujourd’hui, elle est difficile, voire impossible, à modéliser ce qui laisse penser que les robots ne peuvent pas tomber amoureux.
Besoin d’encadrement et d’éthique
Qui sait ce que l’avenir nous réserve, si les robots auront leur propre conscience et leurs émotions, mais dans tous les cas, il faut préparer leur développement.
Serge Tisseron insiste sur l’importance de la réflexion autour des questions d’éthiques pour éviter de détruire les relations humaines. A force d’interagir avec des robots efficaces, performants, serviables, il se peut qu’on finisse par être déçus de certains humains, notamment dans le milieu professionnel. Ou qu’on finisse par fuir nos responsabilité, et se décharger complètement sur les robots pour s’occuper de nos proches. A termes, cela se traduirait par un renfermement sur les robots et pourrait affecter notre capacité à vivre en société.
De la même manière, Laurence Devillers explique qu’avec le développement de l’apprentissage en continu, l’attachement à la machine risque de se renforcer et cela pourrait poser des problèmes de co-responsabilité en cas de problème avec un robot. C’est la raison pour laquelle l’avocat Alain Bensoussan milite pour le développement d’un droit des robots.
En attendant, l’IA est-il le prochain Meetic ?
Finissons sur une note positive en cette journée romantique ! Vous vous êtes attaché(e) à un robot ? Vous appréciez sa personnalité, ses traits d’humour etc. Aujourd’hui, les traits de personnalité des robots sont, comme on l’a vu, programmé. De nombreuses plumes sont même recrutées au sein des entreprises technologiques pour travailler la personnalité des robots. Là se trouve peut être le véritable amour : que l’utilisateur remonte au concepteur du robot et cupidon frappera ? 🙂
Que vous soyez réel ou artificiel, nous vous souhaitons une joyeuse Saint Valentin ! Et laissons de côté les questions “qui de l’Humain ou la Machine vaincra” pour aujourd’hui : nous vous invitons à partager votre amour des robots avec le hashtag #WeLoveAI ! Allez, je commence 🙂
Se décharger des tâches répétitives pour gagner du temps, je dis oui ! Merci @juliedesk https://t.co/XycxNJsm6p #WeLoveAI ❤️
— Caroline Baron (@carolynebaron) February 14, 2017